" La soldarité doit croître "

Publié le par Union Locale Cgt de Soissons

« La solidarité doit croître »  1er mai 2009

 

         Notre société est traversée par une crise mondiale d'une grande ampleur qui frappe durement notre département. Les annonces de fermetures d'établissements, de réductions d'effectifs, de chômage partiel se succèdent. Comme vous, j'ai vu la misère de ceux qui peinent. Des familles se trouvent en situation difficile et parfois se disloquent. Les personnes les plus pauvres sont les premières victimes, mais non les seules. Comme vous, j'ai entendu le 'cri silencieux' de ceux qui n'osent ni parler ni manifester, mais dont la détresse grandit.


         L'Église catholique n'a pas de solution à cette crise.  Elle n'a pas à donner de leçon ni à désigner des responsables. Dans quelques semaines, elle offrira sa contribution au débat, au niveau mondial, par une encyclique sociale, comme elle le fait régulièrement. Quant aux catholiques du diocèse, dont certains militent pour la justice au coude à coude avec d'autres, ils vivent au rythme des axonais(es). Il faut que tout ce qui est inhumain les révolte, comme tant d'autres. Je souhaite aussi que tout ce qui est vraiment humain trouve écho dans leur cœur. Il est urgent d'inventer et de promouvoir des comportements plus solidaires.


         En ce 1er mai, je veux seulement être un porte-voix pour dénoncer ce qui conduit à un désastre humain. Je n'ai cependant rien d'un expert économique, mais à l'heure où certains d'entre eux reconnaissent la limite de leurs analyses, pourquoi ne pas risquer une parole lucide sur la situation ? Aujourd'hui, des bulles financières ont éclaté mais d'autres sont en train de naître. Dans le même temps les fractures sociales, les déséquilibres mondiaux augmentent aussi fortement que les nouvelles dettes des états. L'ultra-libéralisme et l'idolâtrie de l'argent sont des fléaux et doivent être condamnés. Ce désastre financier touche et menace des millions de gens. L'argent en a donc rendu fou plus d'un et le monde de la finance a perdu la tête. Les pratiques spéculatives déconnectées de l'économie ont souvent pour seule fin la recherche d'un profit immédiat. Or l'activité financière doit se soucier du bien commun et du long terme. Comme le dit Benoît XVI : « une finance limitée au court terme et au très court terme devient dangereuse pour tous... Seule l'inconscience peut conduire à construire une maison dorée avec tout autour le désert et la désolation. » Il est grand temps de revoir, par exemple, la logique des systèmes de rémunération.

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         L'Eglise entre dans ce débat avec le message fort qu'elle porte dans un vase d'argile. Il n'a rien perdu de sa radicalité prophétique : il faut opérer le bon choix entre la solidarité pour le bien commun et le chacun pour soi, entre l'amour de Dieu et du prochain et l'amour de l'argent.


         Dans la Bible, des croyants écrivaient déjà il y a 26 siècles : « Malheur à celui qui fait travailler son prochain sans lui donner son salaire. » (Jérémie 22,13). Et un autre prophète s'indignait : « Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison. » « Malheur à ceux qui privent de leur droit les pauvres de mon peuple, dit Dieu. Que ferez-vous au jour de la ruine qui fondra sur vous ? » (Isaïe 5,8 ; 10,2-3). Jésus lui-même mettra en garde les nantis :  « Hélas pour vous les repus maintenant, vous aurez faim. » (Luc 6,24). Mais surtout il a regardé les gens harassés : « Il fut ému aux entrailles car les foules étaient fatiguées et abattues. » (Matthieu 9,36).


         Des pauvres, des familles, des employés, des ouvriers, des cadres, des chefs de petites et moyennes entreprises perdent et perdront encore, non seulement leur argent, leurs emplois, mais aussi leur joie de vivre et surtout leur dignité. Il y a vraiment un écoeurement et une révolte croissante chez les chômeurs, les travailleurs pauvres, les personnes en précarité, les intermittents, les intérimaires. La crise sociale est sévère, la situation sociale est tendue, les syndicats sont inquiets. L'angoisse générée contribue à rendre notre corps social encore plus malade.

 

         En ce 1er mai, tous ceux qui luttent pour la justice veulent semer un peu d'espoir ! Leurs actions de solidarité font du bien. Comment ne pas saluer et encourager ceux qui travaillent déjà à de nouveaux modèles de production, de développement, de consommation, d'échanges avec les pays pauvres, de gestion des ressources naturelles. Parmi eux, il y a aussi des responsables politiques, économiques, sociaux du département qui se préoccupent de la situation et cherchent à y faire face. La communauté catholique soutient « les élans de solidarité créative, pour que changent les styles de vie, les modèles de production et de consommation, les structures de pouvoir établies qui régissent aujourd'hui les sociétés » (Jean-Paul II). Alors que la crise risque de durer, c'est bien la solidarité qui doit croître.


Hervé GIRAUD,

Évêque de Soissons, Laon et Saint-Quentin

Publié dans 1er Mai

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